C’est un rendez-vous incontournable… depuis plus d’un millénaire !

La Foire de Béré, chaque année, nous apporte son lot de nouveautés thématiques, ludiques, technologiques, commerciales, agricoles etc … mais en même temps, elle s’inscrit dans une tradition séculaire quasiment ininterrompue depuis 1050 (et même sûrement bien avant), ce  qui est remarquable et nous invite à poser sur notre monde rural en mutation un regard d’avenir. Dans une société où l’éphémère est la norme (aussi bien dans le rapport aux objets – dont l’obsolescence est programmée – qu’aux personnes – la moitié des mariages ne dure pas ), une telle longévité manifeste qu’il y a dans notre culture locale un socle et une solidité qui défient les épreuves du temps.

Il est banal, en effet, de dire que le monde rural, et en particulier le monde agricole, est aujourd’hui en crise. La mondialisation de l’économie, l’hégémonie de ce que le pape François appelle « le paradigme technocratique », l’uniformisation de la culture, la concentration dans les métropoles, le désintérêt des élites pour « la France périphérique » (comme la nomme le géographe Christophe Guilluy ,60% du territoire national, notamment rural), et d’autres facteurs encore, expliquent cette crise. Inutile de faire de grandes théories, on la voit à l’œuvre très concrètement : par exemple dans la raréfaction, au cœur des bourgs, de petits commerces ou de services publics de proximité ; la fermeture de casernes de gendarmerie ou de pompiers; on la voit également dans la pénurie des médecins et  la précarité des agriculteurs; ou encore, du côté de l’Eglise, dans des communautés chrétiennes qui vieillissent et diminuent de plus en plus. Si nous en restons à ce constat, il y a de quoi être découragés. Mais, si, soulevés par notre foi en Dieu qui, lui, ne se décourage jamais devant les situations impossibles, nous portons sur cette réalité un regard d’espérance, alors nous nous apercevons que cette crise est sans doute un passage (une Pâque), une mutation vers de « nouvelles ruralités » en germe.

C’est pourquoi, la longévité de la foire de Béré est symboliquement importante. Elle nous invite à regarder ce qui demeure en profondeur sous l’écorce éphémère et les soubresauts de chaque époque. Cette longévité est sans doute due à des facteurs historiques particuliers (le fait, par exemple, que les moines de Marmoutier, jusqu’à la Révolution, y trouvaient une source de revenus bien intéressants…). Mais si la Foire de Béré a traversé les siècles, c’est d’abord parce qu’elle a été portée par l’énergie et la volonté de générations d’hommes et de femmes du Pays castelbriantais. Voilà sans doute ce qui demeure en permanence, plus profond que toutes les crises de l’histoire : l’âme humaine, la force d’âme, sa persévérance, sa ténacité. « L’âme castelbriantaise » est enracinée dans cette terre d’agriculteurs, d’artisans, d’ouvriers, de commerçants, qui, au long des siècles, ont façonné leur région en y mettant leur cœur. Notre génération s’inscrit dans leur droite lignée. Car elle non plus ne manque pas de cœur, d’énergie, d’intelligence, pour continuer à faire de notre région une terre de tradition et d’avenir.

Mais attention, si la Foire de Béré a traversé les siècles, c’est aussi parce que, dès le début, foire et pèlerinage de la Sainte-Croix allaient de pair. Je veux dire par là que l’énergie qui a permis aux générations des siècles passés de façonner une culture locale rurale, c’est aussi l’énergie de la foi. La foi était cette terre où s’enracinait leur existence. Quand la foi en Dieu s’estompe, ce sont d’autres dieux que l’on se met à adorer : les petits dieux de la consommation, de l’individu-roi, de la technologie sans limite, de la science sans conscience, de la finance toute puissante, de la course aux richesses etc… La crise du monde rural ne viendrait-elle pas aussi de cet oubli de Dieu ?…

La Foire de Béré a lieu depuis toujours sur ce champ qu’on appelait d’antan « le champ Saint-Père »… Or, justement, pour repenser un avenir à notre monde rural, le Saint Père, le pape François, nous a donné des repères essentiels dans sa magnifique encyclique Laudato Si. Lorsque les chrétiens s’en empareront vraiment et la mettront en pratique, ils contribueront à la naissance de nouvelles formes de ruralité, sans doute moins soumises au « paradigme technocratique », et plus en harmonie avec la création et son créateur.   

Le philosophe-paysan, Gustave Thibon, écrivait ces paroles prophétiques : « cette nature qui ne change pas sera plus forte que l’homme changeant : la terre fidèle, après la crise qui nous tourmente, refera des paysans comme elle refait des fleurs après l’hiver. Ce qu’ils seront, je l’ignore : je sais seulement qu’ils garderont du passé tout ce que le passé contenait d’immortel, qu’ils seront les fils de la terre nourricière, et que le lait de cette mamelle intarissable neutralisera tôt ou tard les poisons sécrétés par la fièvre du siècle.  Il n’est pas permis de désespérer de l’avenir quand on croit à l’éternité. »

Longue vie à la Foire de Béré !

Patrice Éon+

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